Depuis le début du second confinement, les libraires et autres commerces non essentiels ne sont plus autorisés à recevoir du public entre leurs murs. Alors comment continuent-t-ils à exercer leur métier fait de contact et de conseil ?
Les lecteurs se sont donné rendez-vous en nombre dans les librairies indépendantes pour faire leurs achats de dernière minute jeudi 29 octobre, veille du confinement, dont certaines ont organisé une nocturne pour l’occasion. Une dernière sortie pour faire leurs achats entre les murs des librairies, et surtout pour témoigner leur attachement et leur solidarité à leur libraire de quartier. Pour des commerces fragilisés pendant la première fermeture administrative, le retour massif des lecteurs, et la redécouverte du plaisir de la lecture pour certains, ont été plus que précieux. Il était alors crucial de s’organiser pour poursuivre leur activité tout en assurant la sécurité de chacun : « Ils ont été là la veille (…) c’est réconfortant de voir qu’ils se mobilisent pour nous soutenir ! » Manon, Librairie Lilosimages, Angoulême
La priorité est la même pour l’ensemble des libraires : fournir des livres à des lecteurs qui tiennent à continuer à s’approvisionner durant les semaines à venir. Les libraires indépendants ont alors mis à profit les enseignements du printemps 2020 dès le premier jour du confinement : click and collect, commande par mail, par téléphone ou via des plateformes mutualisées comme librairies-nouvelleaquitaine.com, modes de livraisons variés. Toutes les solutions ont été mises en place pour répondre aux demandes des clients, y compris en comptant sur la solidarité entre commerçants ouverts et fermés :
Ces nombreuses commandes sont la preuve d’un réel attachement des clients à leur librairie, mais pas seulement. Avec la fermeture des rayons livres et des grandes enseignes et l’image de plus en plus dégradée des plateformes telles qu’Amazon, de nouveaux lecteurs ont fait leur apparition devant les librairies indépendantes, à la recherche d’un service plus personnalisé et qualitatif, comme le souligne plusieurs libraires :
Reste que l’activité en clique et collecte, aussi importante soit-elle, ne remplace pas la venue des clients en librairie, en termes de chiffres d’affaires, mais aussi en ce qu’elle modifie le travail effectué par les libraires chaque jour. Une grande partie d’entre eux pointe une charge de travail qui a nettement augmenté, pour un montant de vente équivalent ou inférieur. Pauline (librairie Livres et Vous à Ruffec) parle d’une « vie de fou qui s’installe », alors que Véronique, librairie à Poitiers, précise que « l’activité en terme de charge de travail n’a pas été réduite, mais plutôt multipliée par trois, alors que le chiffre d’affaires est en baisse. »
Enfin, la mission de conseil et de découverte menée par les libraires s’est considérablement réduite et complexifiée en l’absence de contacts et de possibilités d’échanger directement avec les lecteurs, comme le souligne Manon (librairie Lilosimages à Angoulême) : « Pour une petite librairie dans laquelle on propose une sélection affirmée, qu’on défend titre par titre et où les beaux livres d’images et l’édition indépendante ont une belle place, le clique et collecte est un palliatif bien frustrant. »
Laure et Olivier, libraires à Salies-de-Béarn (Le Moment librairie) font le constat : « Être libraire ce n’est pas ça. Être libraire c’est prendre le temps d’accompagner les lecteurs, les laisser flâner, aller à la découverte et partager nos plaisirs lectures. Tout peut se faire en dématérialisé, mais rien ne remplace le contact et l’échange « en présentiel ». »
Une contrainte face à laquelle les libraires ont choisi de faire preuve de créativité et de mobilisation en investissant les réseaux sociaux pour mettre en avant leurs coups de cœur et sélections, ou encore en proposant une visite de la librairie en vidéo comme les librairies Le 5ème Art à Saint-Jean-de-Luz ou La Bruyère vagabonde à Poitiers. Pauline (Librairie Livres et Vous à Ruffec) de son côté partage dès que possible ses coups de cœur sur son compte Facebook alors que Baptiste et Caroline, libraires à Bergerac (La Colline aux livres), ont choisi de créer un groupe Facebook de « Lectures confinées » pour être davantage présents.
Les vitrines sont elles aussi largement exploitées et actualisées fréquemment pour mettre en avant les ouvrages que les libraires tiennent à défendre, et donner un aperçu de l’étendue de leur offre à leurs clients, comme Laure et Olivier à Salies-de-Béarn : « En dehors des réseaux sociaux et des suggestions envoyées par mail, nous travaillons beaucoup nos vitrines pour passer de l’information sur ce que nous avons en fonds et ainsi préparer la période de Noël. »
Les initiatives se multiplient donc en librairie, en attendant le retour des lecteurs dans leurs rayons que tous espèrent, comme le rappelle Manon (librairie Lilosimages à Angoulême) : « Nos clients sont soulagés de pouvoir continuer à s’approvisionner en livres, ils sont aussi très contents de voir notre mobilisation et l’énergie qu’on déploie pour continuer de les conseiller. Mais nos habitués sont nostalgiques des heures passées à flâner dans nos rayons, et rien ne remplace le plaisir de feuilleter les livres pour laisser le coup de coeur survenir. »